Révélations au sujet de Nicolas Sarkozy (sur les gaz de schistes)
Ma marotte. Ben oui, ma marotte à moi, les gaz de schistes. À la fois obsession, mais aussi bâton de fou. Comme dirait Walter Scott dans Ivanhoé - l’un des héros de mon enfance - : « Mon bonnet de fou me servait de casque, et ma marotte de bâton ». La traduction française est assurée par un gaillard qui appartient, lui aussi, à mon panthéon, un certain Alexandre Dumas. Une fois de plus, j’aurai usé votre patience, et je ne peux même pas promettre de ne pas recommencer. Car je recommencerai.
Les gaz de schistes. La manifestation de samedi passé, à Villeneuve-de-Berg, a rassemblé une foule considérable. Que ce soit 10 000, comme le prétendent les flics, ou 20 000, comme l’assurent les organisateurs, c’est colossal. Et ce n’est qu’un début, car le combat continue. Je vous invite à vous rendre samedi prochain 5 mars à Doue, en Seine-et-Marne, où se déroule une manif - à 15 heures - qui sera fatalement moins courue, mais qui doit être pourtant soutenue. Des sociétés américaines entendent faire du Bassin parisien une sorte de Texas. Je vous parlerai une autre fois de ces enjeux proprement décisifs, mais dès à présent, si vous le pouvez, allez à Doue (contact : ici).
Et puis ? Presque rien, presque tout. Je résume à très grands traits ce qui demanderait des pages. Je n’ai pas le temps, croyez-moi sur parole. Mais c’est le résultat de mon travail, et je le garantis donc. Une amitié profonde unit notre président Sarkozy et Paul Desmarais senior, un homme d’affaires canadien de tout premier plan. Né en 1927, Desmarais est l’une des principales fortunes du Canada. Et il a du flair, ce qui ne semble pas être une contradiction. Le 15 février 2008, Sarkozy le décore de la Grande-Croix de la légion d’honneur, notre plus haute distinction. Sarkozy, ému, déclare, se rappelant sa traversée du désert d’après la défaite d’Édouard Balladur, en 1995 :
« Un homme m’a invité au Québec dans sa famille. Nous marchions de longues heures en forêt et il me disait : Il faut que tu t’accroches, tu vas y arriver, il faut que nous bâtissions une stratégie pour toi. Preuve, cher Paul, que tu n’es pas Français, car il n’y avait plus un Français qui pensait ça. Nous avons passé 10 jours ensemble, au cours desquels tu m’as redonné confiance à tel point que, maintenant, je me considère comme l’un des vôtres. Et, sans vouloir inquiéter tes enfants, je peux dire que je me sens un membre de la famille – l’héritage en moins bien entendu. »
Pas mal. Franchement, pas mal. J’ajoute que Sarkozy a glissé ce jour-là, pour les sourds et les mal-entendants : « Si je suis aujourd’hui président, je le dois en partie aux conseils, à l’amitié et à la fidélité de Paul Desmarais ». Dernière goutte d’élixir, pour la route : Desmarais était à la fameuse soirée du Fouquet’s, le jour funeste de l’élection de notre président. Faut-il écrire que Desmarais et Sarkozy s’aiment d’un amour tendre et désintéressé ? À vous de voir. Ce qui est certain, c’est qu’Albert Frère était présent le 15 février 2008, le jour de la décoration accordée en notre nom à Paul Desmarais. Qui est-il ? Bis repetita, un très puissant homme d’affaires belge, sans doute première fortune de son pays. Or Frère et Desmarais font en Europe cause industrielle commune. Ce sont des proches, ce sont - hi, hi - des frères.
Bien. J’espère n’avoir égaré personne. Desmarais, aimé par Sarkozy, aime aussi Albert Frère, qui le lui rend bien. Et ? Et tout commence. Car on apprend le 31 décembre 2010 (ici) qu’Albert Frère est en train de prendre le pouvoir chez Arkema. En compagnie de Paul Desmarais senior. On s’en fout ? Pas vraiment. Car Arkema est « né en octobre 2004 de la réorganisation de la branche chimie de Total. Ses trois pôles d’activités, les Produits Vinyliques, la Chimie Industrielle et les Produits de Performance, regroupent des filières industrielles cohérentes et intégrées dont la plupart bénéficient de positions parmi les leaders mondiaux ou européens, avec des marques et des produits internationalement reconnus. Présent dans plus de 40 pays avec un effectif de 13 800 personnes, le groupe Arkema exerce ses activités en s’appuyant sur 80 implantations industrielles en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, et sur des filiales commerciales implantées dans toutes les régions du monde ». Vous imaginez bien que je n’ai pas inventé. La source est ici.
Arkema était donc une filiale de Total, transnationale du pétrole d’origine française, lancée désormais, comme on sait, dans la vaste aventure mortifère des gaz de schistes. Parfait. Mais figurez-vous qu’Arkema est présent, de plus en plus, de plus en plus ouvertement, de plus en plus massivement, dans l’industrie des gaz de schistes ! Eh oui, les amis. Je l’ai assez dit, et d’autres avec moi : il faut des centaines de produits chimiques différents pour aider à la fracturation hydraulique des schistes, préalable à la récupération de gaz. Des produits Arkema comme Rilsan - il en est beaucoup d’autres - voient s’ouvrir devant eux des marchés gigantesques. Dans sa communication commerciale, Arkema ne manque plus une occasion de signaler cette magnifique perspective.
Ceci peut-il expliquer cela ? La proximité entre acteurs du dossier et décideurs est-elle la clé de l’opacité avec laquelle le sujet a été traité ? Je n’en ai aucune preuve, mais je suis comme vous. Je me pose la question. Je me pose d’autant plus la question que, comme je l’ai déjà dit ici, « on » a vendu le sous-sol du Bassin parisien à la société Hess, pur produit du clan Bush, et dont le staff compte d’ailleurs des anciens ministres du père comme du fils. Qui est ce « on » ? Peut-il s’agir de Sarkozy lui-même, si proche de W ? Selon des informations sérieuses, mais je dois le reconnaître, non recoupées, le dossier des gaz de schistes n’a pas été traité au ministère de l’Écologie, ni même à celui de l’Énergie. Mais ailleurs. Plus haut ? C’est ce que notre mouvement démocratique doit tenter de savoir, et le plus vite sera le mieux. Une seule consigne me semble s’imposer en ces temps troubles : l’ouverture des dossiers. Qui est intervenu ? Qui a suggéré, approuvé, soutenu ? Les documents existent. Nous y avons droit, pardi.
PS : une amie chère m’envoie ceci, qui éclaire un peu plus la question. « Le bio-plastique Rilsan® PA11 pour conduites de gaz récompensé par le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie ». Et plus loin dans un communiqué officiel : « Avec des marques globales comme Rilsan®, Pebax® et Platamid®, des produits uniques comme le Rilsan® PA11 et des capacités de premier ordre en Rilsan® PA11 et 12, Arkema offre à ses clients des différenciations clefs. De plus, Arkema propose à ses clients une couverture globale, et un service technique et logistique supérieur grâce à ses sites de production et ses centres de R&D en Europe, Asie, et aux USA ». La source est là.