30/04/2011: GAZ DE SCHISTE, ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE STRATÉGIQUE : C’EST MAL PARTI ! 27 avril 2011
L’évaluation environnementale stratégique (ÉES) qui s’amorce au Québec ne doit pas servir de prétexte à la poursuite de l’exploration gazière sous couvert de recherche scientifique. Elle ne consiste pas à fournir aux promoteurs l’évaluation du potentiel de rentabilité commerciale du gaz de schiste ou à comparer différents procédés ou technologies de fracturation de la roche.
L’ÉES devrait d’abord permettre de situer le projet de développement gazier au regard d’une politique et d’une stratégie qui reflètent une vision globale et intégrée de l’avenir énergétique de notre société.
Elle devrait inclure à cet effet l’examen des autres possibilités de choix énergétiques - les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique - et adopter un processus démocratique participatif dès les premières étapes de la démarche d’évaluation, incluant celle du mandat confié aux responsables de l’ÉES.
Le Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste s’inquiète vivement de la façon dont débutent les travaux de cette ÉES. D’abord, alors même que le processus de recrutement est en cours, le mandat du Comité chargé de l’ÉES n’a pas été rendu public et n’a pas été discuté.
À nouveau dans ce dossier comme pour tant d’autres, on déplore le manque de transparence du gouvernement actuel. Les personnes invitées à poser leur candidature au Comité ont été informées que ce mandat «consistera à mener une évaluation environnementale stratégique pour les puits qui seront forés au cours de la période d’évaluation afin de bien comprendre l’ensemble des impacts de toutes les opérations de fracturation ».
Il y est aussi question de « seuil d’acceptabilité » et de « méthodes de mitigation », reconnaissant ainsi l’existence de risques écologiques et sanitaires, qu’on s’apprête à gérer plutôt qu’à prévenir ou à éliminer. On s’intéressera à l’« encadrement » législatif et réglementaire, au « suivi » à long terme et à l’évaluation des « retombées socio-économiques ».
Tout cela sans statuer d’abord sur la pertinence globale de ce projet, d’un point de vue environnemental, c’est-à- dire socio-écologique, en lien avec ses dimensions politique, éthique, économique, etc.
Il s’agit là d’un mandat tronqué, il va sans dire, qui ne correspond pas à ce que l’on doit s’attendre d’une évaluation environnementale de type stratégique.
L’énoncé du mandat du Comité chargé de l’ÉES confirme en effet que les activités de forage et de fracturation se poursuivront durant la démarche d’évaluation, manifestant ainsi l’intention du gouvernement d’aller de l’avant avec le développement du gaz de schiste.
Or, comme nous l’avons déjà signalé, avant de poursuivre les activités d’«exploration » sous prétexte de « science », il est essentiel de mettre à profit l’abondant gisement d’informations déjà existantes sur le sujet et d’entreprendre une étude d’impact sur les forages déjà effectués. Il faut aussi s’assurer de disposer au préalable d’un portrait géologique, hydrographique, écologique, humain et économique des régions concernées et prendre en compte les principaux scénarios de développement pour chacune d’elles, avant d’envisager d’y implanter une activité industrielle invasive et à risques avérés comme celle du gaz de schiste.
Rappelons que l’ensemble des recherches et des enquêtes menées jusqu’ici – tant d’un point de vue socio-écologique qu’économique – amène à prendre un sérieux recul sur le choix de cette filière, justifiant la demande si souvent répétée d’un moratoire.
Le Collectif réitère son avis : l’autorisation de nouvelles activités d’« exploration » - forage et fracturation - sous prétexte de recherche scientifique est inadmissible. Nous déplorons l’instrumentalisation de la science dans le cadre de cette ÉES.
L’activité scientifique ne doit pas servir de caution à une décision politique affirmée a priori. Le rapport entre science et politique doit faire ici l’objet d’un examen attentif.
Enfin, nous rappelons l’importance majeure de la participation citoyenne au processus de l’ÉES. À cet effet, la population québécoise doit avoir accès à une information claire sur les caractéristiques d’une ÉES et sur les enjeux que soulève un tel processus dans le cas du gaz de schiste au Québec.
Une telle information de base permettra aux citoyens de mieux suivre le fil des événements à venir en y portant un regard attentif et critique. Le Collectif scientifique – regroupant 149 membres de diverses institutions d’enseignement supérieur et de recherche – entreprend des initiatives à cet effet. Entre autres, sur le site du Collectif, on trouve une section ÉES qui sera alimentée au fil des activités : www.manifestegazdeschiste.org