25/03/2011: la Fondation Nicolas Hulot se positionne.
Gaz de schiste - sortir de la schizophrénie
La Fondation Nicolas Hulot s'inquiète du développement des gaz de schiste en France et en Europe. Alors que ce sujet occupe le devant de la scène énergétique au cours des deux derniers mois, et que Nathalie Kosciusko-Morizet et Eric Besson ont annoncé une mission d'inspection sur les gaz et huiles de schiste, la Fondation Nicolas Hulot précise sa position sur l'exploitation des ressources fossiles non-conventionnelles.
Des impacts environnementaux à évaluer :
L'utilisation des ressources non conventionnelles va avoir plusieurs effets largement incompatibles avec les objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l'environnement. La mise à disposition de nouvelles ressources énergétiques fossiles est incompatible avec les objectifs de lutte contre le changement climatique. Nous disposons déjà, avec les ressources conventionnelles, largement de quoi dérégler le climat. Cela est d'autant plus inquiétant qu'une étude préliminaire de l'université de Cornwell montre que les fuites de méthane liées à la production du gaz de schiste (du méthane s'échappe des puits) rendent le bilan carbone de cette énergie potentiellement pire que celui du charbon.
Les modes d'exploitation des ressources non conventionnelles ne sont pas non plus neutres d'un point de vue de la préservation des écosystèmes et de la biodiversité. Les techniques d'extraction utilisent de l'eau et des produits chimiques en quantité importante, sans que l'on sache quels seront les effets à court et moyen terme sur l'environnement et notamment les nappes phréatiques.
Deux études sont en cours sur les impacts environnement de l'exploitation des gaz de shistes. La première, conduite par l'EPA, l'agence de protection de l'environnement des Etats Unis étudie de près les impacts de la fracturation hydraulique, la technique d'exploitation du méthane. La seconde, conduite en France par le Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a pour objet les enjeux économiques, sociaux et environnementaux du développement des gaz de schiste en France.
La Fondation Nicolas Hulot accueille favorablement le principe de ces études, dont les résultats devront ensuite être soumis au débat pour réfléchir à l'opportunité de s'engager ou non vers l'exploitation de ces ressources.
Sortir des énergies fossiles au lieu de renforcer notre dépendance :
Au-delà du débat sur les impacts environnementaux de l'exploitation des gaz non conventionnels, la Fondation Nicolas Hulot s'interroge sur l'opportunité de développer à tout vent les projets d'exploitation de ressources non conventionnelles. Alors que notre modèle économique actuel peine à financer les énergies renouvelables, l'éco-innovation et les investissements dans l'efficacité énergétique, il continue à rendre rentable des investissements dans les technologies qui nous rendent vulnérables à la crise climatique et nous enferment dans la dépendance aux énergies fossiles.
Malgré les progrès techniques, l'extraction de ces ressources ne permettra pas de réduire fortement les coûts de l'énergie. Il ne faut pas y voir un progrès sur le plan social, mais bien un recul puisque l'on va toujours creuser plus profond, avec plus de risques et de dégâts environnementaux, et donc des coûts économiques, sociaux et environnementaux très élevés.
Pour Nicolas Hulot « Par rapport à nos engagements sur la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et notre objectif de s'affranchir des énergies fossiles, cette perspective d'extraction de gaz de schiste particulièrement inutile. Sur le plan environnemental, le fait que les populations locales soient mises devant le fait accompli me semble être un procédé d'un autre âge ».
Cela prouve, si cela était encore nécessaire, qu'il faut changer de matrice économique, et faire payer aux technologies les plus polluantes le vrai coût écologique. Avec une fiscalité sur le carbone, et des obligations de protection de l'énergie, les investissements seraient automatiquement ré-orientés vers des projets écologiquement vertueux (isolation des logements, recherche dans des véhicules vraiment efficaces), ce qui permettrait en outre de sortir de nombreux ménages de la pauvreté et la précarité énergétique.
Alors que les prix et la consommation de gaz à augmenté de près de 50% au cours des vingt dernières années, on peut s'interroger sur la cohérence des politiques énergétiques françaises, qui ont largement contribué à accroître nos consommations d'énergies fossiles, alors même que la France importe plus de 90% de ses hydrocarbures.
Le défi du 21e siècle est bien de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, et non pas de nous enfermer dans un système économique et politique qui conduit au désastre climatique et dont les impacts sociaux et économiques seront extrêmement lourds.