19/04/2011: Les gazières américaines ne savent pas ce qu’elles injectent dans le sol
Les compagnies gazières américaines ne savent même pas ce qu’elles injectent dans le sol lors des opérations de fracturation hydraulique pour extraire le gaz de schiste du sous-sol. C’est le constat d’un comité de la chambre des représentants américaine qui vient de publier un rapport sur l’utilisation des produits chimiques dans les fluides de fracturation.
Le rapport fait état de l’utilisation de plus de 2500 produits de fracturation hydraulique contenant 750 produits chimiques.
Plusieurs de ces substances sont considérées comme étant « extrêmement toxiques » par l’agence de protection de l’environnement américaine (EPA), relèvent les commissaires.
Au total, entre 2005 et 2009, les compagnies gazières américaines ont injecté 780 millions de gallons de produits de fracturation hydraulique, ce qui n’inclut pas l’eau qui y était ajoutée.
Informations confidentielles
Ces données proviennent des compagnies gazières qui refusent généralement de divulguer leurs « recettes » considérées comme des « secrets industriels ».
Mais dans le contexte de cette étude, les commissaires siégeant sur le comité du commerce et de l’énergie ont demandé aux 14 compagnies gazières américaines de fournir l’information.
« Même si quelques compagnies ont été en mesure de fournir des informations additionnelles au Comité sur les produits de fracturation, dans la plupart des cas les compagnies ont affirmé ne pas avoir accès à l’information confidentielle sur les produits qu’ils avaient achetés « sur les tablettes de leurs fournisseurs de produits chimiques », écrivent les commissaires dans le rapport.
Ceux-ci précisent que les informations confidentielles appartiennent aux fournisseurs et non aux utilisateurs des produits chimiques.
« Dans ces cas, les compagnies injectent des fluides contenant des produits chimiques qu’ils ne peuvent pas identifier eux-mêmes. »
Café, méthanol et benzène
Parmi les produits utilisés par les compagnies gazières comme fluide de fracturation, on note des produits « généralement inoffensifs» comme le sel et l’acide citrique. D’autres sont qualifiés par les commissaires de la chambre des représentants comme étant « inattendus », comme du café instantané et des écailles de noix.
Mais d’autres sont « extrêmement toxiques », comme le benzène et le plomb.
Le produit chimique le plus répandu, constatent les commissaires, est le méthanol, utilisé dans 342 produits de fracturation. Ces derniers rappellent qu’il s’agit d’un polluant atmosphérique dangereux qui est sur le point d’être régi par la Loi sur l’eau potable (Safe Drinking Water Act).
On compte au total 29 produits chimiques qui sont, selon le rapport, soit « connus comme de possibles cancérigènes humains », « régis par la Loi sur l’eau potable pour leurs risques pour la santé » ou « faisant partie de la liste des polluants de l’air dangereux selon la Loi sur l’air pur » (Clean Air Act).
Ces 29 produits chimiques sont utilisés dans plus de 650 produits différents utilisés pour la fracturation hydraulique.
Les commissaires de la chambre des représentants constatent que certains de ces produits chimiques peuvent, sous certaines conditions, s’infiltrer dans l’eau potable et « pourraient endommager l’environnement et représenter un risque pour la santé humaine ».
D’autant plus que la migration de ces fluides de fracturation, injectés sous haute pression dans le sol, « n’est pas entièrement prévisible ».
Une loi sur l’eau potable qui ne s’applique pas
Le grand problème, constatent-ils, c’est que la Loi sur l’eau potable américaine a été modifiée en 2005 pour exclure les injections de fluides souterrains liés à la fracturation hydraulique.
« Tout risque pour l’environnement ou la santé humaine posé par les fluides de fracturation dépend en grande partie à leur contenu. Or, la loi fédérale ne contient aucune obligation de publication pour les producteurs de gaz et de pétrole ou les compagnies de services impliquées dans la fracturation hydraulique, et les obligations étatiques varient grandement. »
Les industries ont beau avoir annoncé qu’elles créeraient sous peu une base de données publique sur les composés des fluides de fracturation, la commission doute de son utilité puisque la divulgation se fera sur une base volontaire et qu’aucun moyen ne permettra de déterminer l’exactitude des déclarations des compagnies.
« L’absence d’une ligne de référence nationale minimale concernant la divulgation des fluides pendant le procédé de fracturation hydraulique et l’exemption de la majorité des injections de fracturation hydraulique aux réglementations sous la Loi sur l’eau potable a laissé un vide concernant les contenus, les concentrations chimiques, et les volumes de fluides qui se retrouvent dans le sol pendant les opérations de fracturation et qui remontent à la surface sous forme d’eaux usées », notent les commissaires.
« Conséquemment, les régulateurs et le public sont dans l’impossibilité d’évaluer tout impact que l’utilisation de ces fluides de fracturation pourraient avoir sur l’environnement ou la santé publique. »