19/03/2011: Gaz de Schiste et politique énergétique française
Les Gaz (et huile) de schiste s’immiscent dans le débat politique
Le débat et l’opposition citoyenne contre les gaz et huile de schiste en France commencent à peser sur nos gouvernants.
Tout d’abord, Nathalie Kosciusko-Morizet a édicté en janvier 2011 une sorte de règle de conduite aux entreprises :
L’extraction ne doit pas être du type de celle que l’on a connu aux USA mais doit être propre…
Une mission d’expert doit se pencher sur la question et donner un pré-rapport le 15 avril et un rapport définitif fin juin afin de permettre au gouvernement de prendre une décision éclairée.
Dans l’intervalle, elle a demandé aux entreprises de surseoir à toute exploration ou exploitation nécessitant une fracturation hydraulique (fracking)
Certaine entreprise n’ayant pas daigné « obéir » à ce qui ne peut être qu’un souhait ou une recommandation, la loi ne permettant aucun moratoire une fois les permis délivrés, le Premier Ministre Fillon a insisté en début mars 2011. Sera-t-il mieux entendu ?
Il a sans doute été conforté dans cette prise de position un poil plus ferme que celle de la Ministre de l’Environnement par un rapport du Comité d’Analyses Stratégiques indiquant qu’effectivement le risque environnemental est réel mais aussi que la mobilisation citoyenne compromettait lourdement l’acceptabilité de l’exploitation de gaz et huile de schiste par la population.
Ceci dit, les derniers évènements survenus dans le monde poseront inéluctablement lourd dans la balance :
- La révolution libyenne a montré que l’accès aux ressources en pétrole, dont on sait déjà qu’elles ne sont pas infinies, dépend en outre d’éléments indépendants de la volonté nationale française
- L’accident japonais remet en cause (ou devrait remettre en cause) une politique énergétique essentiellement basée sur le nucléaire.
Alors, avons-nous raison de nous opposer à l’implantation d’une industrie du gaz et de l’huile de schiste chez nous ? Elle permettrait une certaine autonomie énergétique à la France et ses promoteurs la présentent comme une énergie « propre »
1. L’autonomie sera relative et limitée dans le temps :
Relative car les entreprises ayant déposé des permis sont des sociétés étrangères ou des entreprises françaises associées à des entreprises étrangères seules détentrices du savoir-faire industriel
Limitée dans le temps car l’exploitation d’un puits ne dure que de 8 à 10 ans et même si les zones couvertes par les permis sont considérables, on ne peut savoir à l’avance quelles seront les possibilités exactes, géologiques ou géographiques, d’extraction.
Une vraie autonomie serait d’exploiter durablement des énergies renouvelables donc infinies dans le temps (hydraulique, éolien, solaire, biomasse et celles que l’on inventera !). Il est certain que la solution ne sera pas unique mais multiple et nécessitera une grande modification de notre modèle hyper-centralisé pour créer des sources d’énergies locales pour des marchés locaux. Une vraie révolution culturelle dans un pays habitué à être desservi par des réseaux nationaux !
2. Energie propre ?
Nous ne le croyons pas même en conditions idéales d’extraction, soit sans incident ou accident, mineur ou majeur. Les volumes d’eau nécessités par le process même, la noria de véhicules lourds indispensables au fracking puis à l’évacuation des eaux usées et du gaz extrait, l’impact au sol des plates-formes nécessaires à des distances très restreintes (quelques centaines de mètres entre 2 puits) et l’impossibilité inéluctable, vu leur nombre, de surveiller tous les puits après leur utilisation et les remontées de gaz ou de divers éléments polluants qui se produiront des années plus tard font que cette énergie ne peut pas être propre, de part la nature du processus d’extraction même.
Par souci d’objectivité, nous imaginons que les entreprises opérant en France seront exemplaires et ultra-performantes. Dans le cas inverse, nous devrions aussi parler des risques de contamination des eaux de surface ou souterraines, des risques de pollution des sols et de l’air, des risques sismiques dans certaines zones fragiles du territoire etc …
3. La cohérence de cette industrie avec les autres activités économiques :
Il est clair que l’extraction de gaz ou huile de schiste semble incompatible avec le développement ou le maintien d’une agriculture durable dont tout le monde semble avoir fait le choix. Comment imaginer que des réseaux de circulation aussi denses que ceux que nécessiterait cette source d’énergie soient possibles avec des parcelles redessinées pour éviter l’érosion, des haies replantées, une polyculture nécessitant des assolements et des rotations de culture pour éviter l’épuisement des sols… ? L’agriculture, en outre, est et reste un enjeu économique majeur de notre pays et un élément incontournable de notre autonomie … alimentaire (et peut-être énergétique demain ?)
La France est, on nous le rappelle assez souvent avec des cocoricos dans le discours, une destination touristique des plus importantes, voire la plus importante, au monde. Diverses études montrent que l’avenir de ce tourisme passe, non pas par des plages sursaturées ou des centres de loisirs à l’américaine, mais par un tourisme vert alliant calme, découverte de la nature et découverte d’un patrimoine culturel et architectural qualifié, par d’autres que nous, comme unique au monde. Comment associer ce type de loisirs avec des puits d’extraction disséminés un peu partout sur le territoire et principalement en zones rurales ?
En conclusion, il nous semble clair que le gaz et l’huile de schiste font partie de ces fausses bonnes idées comme il en apparaît une de temps en temps. La mobilisation citoyenne que nous voyons apparaître à ce propos ressort de la fameuse « sagesse populaire » qu’il conviendrait d’entendre un peu plus de temps en temps !