17/04/2011: Menace sur les producteurs bio
Midi Libre interroge un pisciculteur bio dont l'exploitation se situe au bord de la source du Durzon, en Aveyron, juste en aval d'un gisement de gaz de schiste. La probabilité d'une pollution de la source en cas de forage est donc dans tous les esprits dans cette partie du Larzac, pollution qui menacerait directement le label bio de ce producteur de truites et de saumons.
RASSEMBLEMENTGaz de schiste : dans la vallée, on reste vigilant
Nous sommes au pied du Larzac. Tout au bout de la petite route sinueuse de l'Estrade. C'est là, en pleine campagne nantaise, que le Durzon, classé parmi les plus belles sources de France, fait jaillir la vie et... l'amour.
« J'allais acheter une pisciculture près de Narbonne quand j'ai entendu dire qu'il y en avait une à vendre ici. Je suis venu avec mon épouse, pour voir, sans trop y croire. C'était en 2005 », confesse le Toulousain Xavier Lécussan en nous ouvrant les portes de sa propriété, le Mas de Pommiers. « Finalement, poursuit-il, on a trouvé cet endroit si beau, l'eau si pure, qu'on n'est jamais repartis. »
Planté à trois petits fourrés de la résurgence karstique, son mas abrite actuellement l'une des
trois plus grandes piscicultures bio de l'Hexagone : 600 000 truites (arc-en-ciel et fario) et saumons de fontaine (90 % du volume français) sont élevés chaque année dans ses bassins. À l'ombre d'une vallée riante, ils y batifolent dans un ruisseau à températu re constante (11°) et oxygénée à souhait. Leur alimentation est réalisée exclusivement à base d'huile de poisson et de céréales issues de l'agriculture biologique. Les produits chimiques sont bannis. Les antibiotiques aussi. En somme, un modèle du genre qui fait le bonheur d'une clientèle de plus en plus nombreuse, de Millau à Bruxelles.
La menace s'éloigne. Mais pour combien de temps ?
Pourtant, depuis quelques mois, un vent de panique nommé gaz de schiste secoue l'équilibre environnemental de cette pisciculture. « Quand j'ai appris l'existence du permis de prospection de Nant, j'ai très vite compris que mon label bio était en sursis. Et que ma survie était en jeu », note Xavier Lécussan.
Cet homme de 35 ans, qui n'a vraiment pas le profil d'un ayatollah de l'écologie, a donc participé cet hiver à presque toutes les réunions du collectif local. Et c'est tout naturellement qu'il sera aujourd'hui à la manif', « pour maintenir la pression », dit-il, aux côtés de ses huit salariés qu'il emploie à la pisciculture et à l'atelier de transformation situé non loin de là, à Saint-Jean-du- Bruel.
« Si les industriels viennent un jour sur le Larzac avec leurs derricks, ils auront besoin d'eau en quantités colossales pour fracturer la roche. Prétendre, comme ils le font, qu'il n'y aura aucune fuite est inconcevable. Des relargages chimiques dans le Durzon, tôt ou tard, il y en aura », peste cet ancien expert en produits d'eau de mer .
« Je ne veux pas être demain le témoin ou le complice d'une intoxication alimentaire. »
Xavier Lécussan, pisciculteur bio à Nant Comme le chef de file du combat, José Bové, Xavier Lécussan n'a pu que se féliciter cette semaine d'apprendre que la mobilisation citoyenne avait finalement contraint le gouvernement Fillon à abdiquer. Toutefois, le Nantais redoute que cette interdiction annoncée de forer ne soit qu'une vaste fumisterie. « Nous entrons dans une période d'élection présidentielle. Je pense que le gouvernement a eu peur que la mobilisation contre le gaz de schiste devienne un enjeu politique, d'autant plus si les citoyens rejoignent celle en cours contre le nucléaire. »
À ses yeux, crier victoire maintenant serait donc une grosse erreur. « L'État va nous laisser tranquilles jusqu'au 1er mai 2012, mais il reviendra à la charge. Les annonces faites cette semaine n'ont pas valeur de loi. Quant aux industriels, ils parlent peu mais je ne les vois pas lâcher le morceau, prédit l'agriculteur. En tout cas, ça sera eux ou moi. Et si c'est eux, alors je partirai vite, car je ne veux pas être demain le témoin ou le complice d'une intoxication alimentaire. »
JÉRÉMY BEAUBET jbeaubet@midilibre.com
RASSEMBLEMENT Le programme
Le rassemblement à Nant est organisé dans le cadre de la mobilisation nationale contre le gaz de schiste par les membres de la coordination des collectifs du permis de Nant. Il débute à midi par un pique-nique sur la place du village.
Suivront des prises de parole par des opposants, vers 13 h, puis une marche festive au fil de l'eau (le long de la Dourbie et du Durzon). Sur place, les manifestants trouveront un stand du collectif et une 'buvette militante'.
PRATIQUE Covoiturage
Les emplacements de parking étant très limités dans la commune de Nant, les organisateurs demandent de favoriser le covoiturage.
Ecomobilité
Si vous ouvrez le journal assez tôt, sachez que l'association Eve propose aux Millavois de rejoindre les rangs de la manifestation à vélo (62 km aller/retour). Le départ est fixé à 9 h 30, sur le parking de la Capelle, à Millau. Retour en fin d'après-midi.
Circulation
Pour des raisons de sécurité, la traversée du village sera interdite durant une bonne partie de la journée. Les gendarmes conseillent d'ailleurs à celles et ceux qui souhaitent rejoindre les contrées gardoises ce dimanche d'emprunter l'axe reliant Sauclières à Saint-Jean-du-Bruel et d'éviter, tant que faire se peut, celui reliant La Cavalerie à Nant.