Il n'y a pas que chez nous !!! L'Allemagne découvre avec stupéfaction les pollutions qu'engendre la fracturation hydraulique du sous-sol. La population se mobilise, là-bas aussi.
Par Sylvie Simon
Le gaz de schiste est actuellement un sujet qui fait couler beaucoup d’encre avant de faire couler beaucoup de saletés diverses. En Allemagne, le 4 avril 2011, Gernot Kalkoffen, patron du géant pétrolier Exxon Mobil Europe centrale, confiait au journal Handelsblatt qu’il pourrait investir des centaines de millions d’euros pour exploiter les réserves de gaz de schiste en Rhénanie du nord-Westphalie : « Nous tablons pour la phase d’exploration sur une somme significative dans les centaines de millions d’euros ». Avec 2 100 milliards de mètres cubes de réserves estimées de gaz de schiste, la Rhénanie du nord disposerait des deuxièmes ressources en gaz naturel d’Europe. Le journal économique ajoutait que le montant final de cet investissement dépendra des résultats de l’exploration, mais si le gaz est suffisamment abondant et accessible « ce pourrait être des milliards qui seront versés ».
D’après le Handelsblatt, neuf entreprises sont aussi sur les rangs pour cette exploitation de ressource « non conventionnelle » de gaz naturel et elles se sont assurées des options pour d’autres régions prometteuses en Allemagne. Toutefois leur exploitation est contestée par des associations écologistes qui pointent notamment du doigt les inévitables contaminations de nappes phréatiques par des produits utilisés pour la fracturation. En effet, alors que les forages viennent à peine de débuter dans ce pays, à Söhlingen, en Basse Saxe, des victimes se manifestent déjà. Le 21 février 2011, à 20h15, une chaîne régionale a diffusé un bref reportage sur l’état de la nature et la santé des riverains de ce forage qui sont très inquiets. On pouvait y constater les dégâts visibles dans la nature. Erdwin Schoon habite avec sa famille au milieu du champ gazier à Söhlingen où l’on extrait le gaz du sol à moins de 200 m de sa maison. Il a remarqué des faits étranges sur son terrain. Parlant de son étang au printemps dernier il affirme : « Pendant cette période, les quelques 150 carpes que j’y avais sont toutes mortes, comme ça, sans que je sache pourquoi. Quant aux arbres, ils meurent, sans raison »
La véritable raison est l’immense installation qui filtre les liquides toxiques provenant du gaz : « Ce que j’observe, c’est que parfois on n’a plus d’air tellement ça pue ici ! » Les canalisations plastiques utilisées par Exxon sont incapables de retenir le benzène qui se diffuse à des concentrations énormes (jusqu’à 155 000 microgrammes/l) dans le terrain où l’on retrouve des hydrocarbures benzéniques qui sont ou cancérigènes ou mutagènes, mais toujours toxiques non seulement par ingestion ou inhalation, mais aussi, dans la plupart des cas, par contact cutané. Étant souvent très inflammables, ils rendent nécessaires d’importantes précautions de stockage et des protections adéquates, tels des gants et masques et même des combinaisons de protection intégrale. Au point qu’Erdwin Schoon s’inquiète aussi pour sa santé et a fait déterminer son taux sanguin de mercure et de benzène. Il a reçu des résultats de laboratoire anormaux. Son taux sanguin de benzène est au dessus de la norme avec 0,7 μg/l. Dans des concentrations plus élevées, le benzène peut déclencher une leucémie. Quant au mercure, autant pour lui que pour sa femme, son taux est élevé dans leur sang (1,3 μg/l et 1,4 μg/l).
Ils se demandent s’ils vont pouvoir continuer à vivre chez eux. Le toxicologue Hermann Kruse a déclaré : « Normalement, on ne trouve pas de benzène dans le sang et quand on en trouve à de tels taux, c’est pour moi un indice qu’il doit y avoir quelque part une source de benzène. » Il a voulu se montrer rassurant : « Cela ne veut pas encore dire qu’ils doivent paniquer et craindre pour leurs santés… mais il faut éviter des préjudices plus importants, c’est-à-dire qu’il faut tarir la source. » Il est évident que pour tarir la source, il faut arrêter les forages, mais la vie d’un ou plusieurs individus et même de milliers d’autres, peut-elle mettre en péril un tel processus ? Sans doute pas car on retrouve en Allemagne les mêmes angoisses qu’aux États-Unis où, de plus en plus souvent, des médecins rapportent des cas de présence de benzène et de mercure dans le sang de leurs patients car du méthane est présent dans le réseau d’eau potable et sort du robinet dans certaines maisons près des forages.
Reinhard Preil est lui aussi très anxieux. Sous son terrain passent des conduites d’Exxon transportant des liquides et gaz toxiques. « Les arbres se sont altérés dans la mesure où les extrémités qui étaient vertes sont devenues marron, marron clair et ont dépéri, et comme vous pouvez le voir maintenant, elles sont marron foncé et complètement mortes. » Le président des Verts au parlement de Basse-Saxe incite la population à informer la population et à agir auprès des élus locaux, à déposer des pétitions pour réclamer davantage de contrôle de l’exploitation gazière. Il a l’intention de demander une réforme du droit d’exploitation du sous-sol ou du moins une clause d’exception dans le cas de l’exploitation non conventionnelle du gaz de roche, mais sa démarche s’avère très difficile car le droit de Basse-Saxe permet l’entreposage de déchets nucléaires dans le sous-sol. Pendant ce temps, insensible aux états d’âmes des riverains, la société Exxon Mobil a commencé quelques opérations de forage en Basse-Saxe, afin de préparer la phase ultérieure de fracturation hydraulique et communiquera le résultat de ses études d’ici 6 à 12 mois, c’est-à-dire après les élections communales. La France n’est pas le seul pays à pratiquer la langue de bois dans un but électoral. Et à cause du débat sur l’abandon du nucléaire en Allemagne, les collectifs craignent que les sociétés gazières n’en profitent pour recevoir carte blanche du gouvernement.
Toutefois, il est urgent d’agir car les dernières découvertes concernant les défaillances sur les conduites d’Exxon à Söhlingen sont terrifiantes. Dans certains endroits, le benzène peut sans problème traverser la paroi plastique et se retrouver à très haute concentration dans le sol. Et sur le champ gazier d’Hengstlage, dans la région d’Oldenburg, des analyses ont révélé des pollutions sur une longueur de 13 km. Là encore, des substances dangereuses comme le benzène et le toluène ont été libérées. « Si de telles choses arrivent encore actuellement, cela montre que les investigations qui ont été faites dans le passé ont peut-être été trop limitées de sorte qu’on n’en a pas reconnu les risques dans toutes leurs dimensions », a constaté l’élu Vert Stefan Wenzel.
En dépit de ces considérations et de la résistance des citoyens, la multinationale américaine Exxon persiste à trouer la croûte terrestre, forte de son bon droit et continuera tant que les citoyens ne se dresseront pas tous ensemble contre ce projet scandaleux, quitte à désobéir à des lois liberticides qui relèvent plus de l’apprentissage de la sorcellerie que d’une véritable science consciente.
Sylvie Simon
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