23/04/2011: Gaz de schiste : les experts pour la recherche
Une usine d'extraction de gaz de schiste en Estonie. Crédits photo : RAIGO PAJULA/AFP
La mission d'inspection estime «dommageable» pour la France de renoncer à ces hydrocarbures sans une évaluation préalable.
Le dossier des gaz de schiste n'est pas, si l'on peut dire, définitivement enterré. Parlementaires, élus locaux, militants associatifs : tous ceux qui croyaient que la messe était dite, après la décision du gouvernement d'abroger, la semaine dernière, tous les permis d'exploration et d'exploitation attribués ces trois dernières années, en seront pour leurs frais.
Le rapport d'étape de la mission d'inspection sur ces hydrocarbures «de roche-mère», demandé en février par le gouvernement et remis jeudi aux ministres de l'Écologie et de l'Industrie, se prononce en effet pour «la réalisation de travaux de recherche et de tests d'exploration» dans les régions françaises les plus «prometteuses». Le tout à partir «d'un nombre limité de puits expérimentaux» soumis à un «encadrement strict», notamment au regard de la préservation de l'environnement.
Accusés par leurs opposants de polluer les nappes phréatiques lors de leur extraction, ces gaz de schiste ont suscité ces dernières semaines une vive mobilisation dans les zones concernées.
Néanmoins, «il serait dommageable, pour l'économie et pour l'emploi, que notre pays aille jusqu'à s'interdire de disposer d'une évaluation approfondie de la richesse potentielle» de ces gisements, font valoir les auteurs avec un certain bon sens. Peut-on, effet, à l'heure où le nucléaire est montré du doigt, depuis la catastrophe de Fukushima, et que les importations d'hydrocarbures continuent de grever lourdement le budget de la Maison France, tirer un trait définitif sur la possibilité d'exploiter un jour ces ressources avec des technologies moins polluantes ?
«Il reste encore des marges de progrès à réaliser et des approches innovantes à susciter» pour rendre les forages «compatibles avec la protection de l'environnement» , soulignent les auteurs, tous membres du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET) ou du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Et d'espérer que, «dans deux ou trois ans, l'expérience acquise, aussi bien dans notre pays qu'en Europe et en Amérique du Nord, permettra de prendre des décisions rationnelles sur l'opportunité d'une exploitation» des gaz et pétrole de schiste en France.
Des « lobbies à la manœuvre»
Des conclusions vivement critiquées par les associations écologistes qui dénoncent un «rapport fumeux» et fustigent «les lobbies à la manœuvre». José Bové, à la pointe de la contestation, parle de «caricature» et appelle à maintenir la mobilisation .
De son côté, le ministre de l'Industrie, Éric Besson, a redit vendredi que «le gouvernement ne veut pas fermer définitivement la porte» au gaz de schiste. Une position déjà défendue par François Fillon, le 13 avril dernier, lorsqu'il a décidé de «tout remettre à plat» en annulant les permis d'exploration réalisés avec les techniques actuelles jugées trop polluantes. Selon la ministre de l'Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, le premier ministre a demandé à la mission, dont le rapport final était prévu pour fin mai, de poursuivre ses travaux.
Du coup, il est permis de se demander, compte tenu de l'enjeu et du climat préélectoral, si l'examen en procédure d'urgence, le 10 mai prochain, à l'Assemblée nationale, des différentes propositions de loi d'interdiction, dont l'une défendue par Christian Jacob, le président du groupe UMP, n'intervient pas un peu trop tôt.