22/04/2011: Les pro-gaz de schiste peuvent encore espérer


Les pro-gaz de schiste peuvent encore espérer

 

Le PDG de Total Christophe de Margerie peut se frotter les mains : les experts de la mission d'évaluation sur les gaz de schiste sont opposés à une interdiction pérenne de l'exploitation des gaz de schiste sur le territoire national

Le rapport d’étape présenté par la mission d’évaluation sur les gaz de schiste devrait redonner du baume au coeur des industriels.

 

Dépêchée début février par le gouvernement, en plein coeur d’une polémique qui n’a depuis eu de cesse de prendre de l’ampleur, ladite mission a été confiée au Conseil général de l’environnement et du Développement durable (CGEDD) et au Conseil général  de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), deux organismes que Total, Schuepbach Energy LLC (NDLR : une société américaine qui s’était vue délivrer deux permis d’exploration en Aveyron et en Ardèche l’an passé et qui vient de contre-attaquer en déposant un recours contre l’arrêté d’interdiction du maire de Villeneuve-de-Berg (Ardèche), accusé d’« excès de pouvoir ») et consorts peuvent remercier.

Longtemps muet sur le sujet, alors que dans le même temps les révélations accablantes se sont accumulées sur la fracturation hydraulique, successivement accusée d’être radioactive, de stimuler l’activité sismique et d’accélérer le dérèglement climatique - ce qui a amené les autorités québecoises à changer de cap mais n’a pas suffi à doucher l’enthousiasme de la Commission européenne et de gouvernements algérien et polonais qui semblent prêts à tout, y compris au pire, pour réduire leur dépendance énergétique -, François Fillon a fini par garantir le soutien étatique aux propositions de loi visant à proscrire l’exploitation des gaz de schiste sur le territoire national. Celles-ci doivent encore être examinées par le Parlement le 10 mai prochain et il faudra compter sur les industriels pour qu’ils bombardent les élus indécis de chiffres et d’études avalisant leurs intérêts d’ici là.

 

 

 

 

 

« Il est indispensable de réaliser des travaux de recherche et des tests d’exploration »

 

Eux aussi très discrets pendant de longues semaines, les pro-gaz de schiste sont récemment sortis de leur réserve, le PDG de Total Christophe de Margerie dénonçant notamment une « campagne outrancière » prématurée. Pleinement conscient de l’important manque à gagner que pourrait représenter une législation prohibant l’exploitation du prétendu nouvel eldorado énergétique, le groupe pétrolier l’a mauvaise.

Il devrait néanmoins reprendre du poil de la bête avec la publication de ce rapport dont les auteurs estiment « dommageable, pour l’économie nationale et pour l’emploi, que la France aille jusqu’à s’interdire [...] de disposer d’une évaluation approfondie de la richesse potentielle ». « Accepter de rester dans l’ignorance d’un éventuel potentiel ne serait cohérent ni avec les objectifs de la loi POPE (Programme des orientations de la politique énergétique) ni avec le principe de précaution. Pour ce faire, il est indispensable de réaliser des travaux de recherche et des tests d’exploration », poursuivent-ils. Et de plaider, au même titre que le Premier ministre, pour le lancement d’un « programme de recherche scientifique, dans un cadre national ou européen, sur les techniques de fracturation hydraulique et leurs impacts environnementaux ». Les experts appellent également à « promouvoir la réalisation par les industriels d’un nombre limité de puits expérimentaux « sur-instrumentés » afin de pouvoir s’assurer du respect des enjeux environnementaux », ce qui constituerait une occasion en or pour l’ensemble des bénéficiaires de permis d’exploration de reprendre la main, et à une « révision de la fiscalité pétrolière, de sorte que les collectivités locales trouvent un intérêt à une exploitation d’hydrocarbure sur leur territoire ».

« Dans deux ou trois ans, l’expérience acquise [...] permettra de prendre des décisions rationnelles sur l’opportunité d’une exploitation des gaz et huiles de roche-mère en France », prophétisent en outre les responsables de la mission, qui recommandent aussi – maigre consolation pour les anti-gaz de schiste – une mise à jour de la réglementation « dans le sens d’une amélioration de l’information et de la consultation du public et des élus, de façon à se conformer aux principes généraux nationaux et européens ». Des « procédures de consultation préalable » pourraient ainsi être instaurées, de sorte à se prémunir contre de nouvelles levées de boucliers régionales voire nationales.

 

 

 

 

 

Un potentiel économique à ne pas négliger

 

Si les deux conseils reconnaissent qu’il reste encore « des marges de progrès à réaliser et des approches innovantes à susciter, aussi bien en termes d’optimisation des forages pour accéder au maximum des ressources que pour rendre ces forages compatibles avec la protection de l’environnement », ils sont donc loin de prôner un enterrement du dossier, ce d’abord pour des considérations financières, et en ont profité pour égratigner le fameux documentaire Gasland, qui a déclenché un buzz planétaire et qui, malgré des séquences dénuées du moindre équivoque, a été réduit à une opération de « communication parfois spectaculaire ». « D’un point de vue technique et économique, la probabilité que l’accès à ces gisements permette à la France, à un horizon temporel à déterminer, de réduire très sensiblement ses importations d’hydrocarbures et de limiter d’autant le déficit de sa balance commerciale n’apparaît pas négligeable », résument les experts, soit très exactement l’argument fétiche des lobbies pétroliers.

Même si ce rapport n’est pas définitif, on voit mal leurs conclusions finales, attendues pour le 31 mai prochain, différer sensiblement. De même, rien ne garantit que le scénario de la filière photovoltaïque ne se répète pas, en d’autres termes que les autorités ne suivent pas les préconisations des spécialistes à la lettre. Entretemps, la mobilisation citoyenne et la véhémence des attaques des écologistes ne devraient pas faiblir. À plus forte raison parce que ces derniers ont le calendrier avec eux, le Parlement devant statuer trois semaines avant la remise du rapport final.

Favorable à une interdiction de l’exploitation des gaz de schiste en France, issue qui serait politiquement favorable à la majorité sortante dans la perspective des élections présidentielles de l’an prochain, la ministre de l’Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet sait toutefois que Matignon peut toujours lui opposer une fin de non-recevoir et s’est vue remettre une expertise sans ambiguïté. Elle est synthétisable en une seule phrase : sans tomber dans les travers observés outre-Atlantique, où soit dit en passant les prix du gaz sont désormais deux fois moins élevés que sur le Vieux Continent, les gaz et huiles de roche-mère sont trop prometteurs pour être balayés d’un revers de main, surtout que la France serait « le pays d’Europe le plus richement doté ». Autrement moins catégorique, son collègue de l’énergie Éric Besson n’a sans doute pas boudé son plaisir.

Les défenseurs de l’environnement, eux, devraient avoir des difficultés à trouver le sommeil dans les jours à venir.

 


La source ici

 

 



22/04/2011

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