22/03/2011: Québec "état voyou"
Publié le 10 mars, soit le surlendemain du dépôt du rapport du BAPE, un rapport de recherche de Dundee Marchés financiers recommande à ses clients d’éviter pour l’instant d’acheter des actions de la société gazière Questerre, qui détient plusieurs concessions sur le shale de l’Utica, un gisement potentiel sous les Basses Terres du Saint-Laurent.
Dans son document, intitulé « Québec, un État voyou (Rogue Nation), qui offre plus de questions que de réponses », la banque d’affaires suppute en effet qu’il n’y a plus que 20 % de probabilités qu’il y ait une activité pétrolière ou gazière significative au Québec à court ou moyen terme.
Elle prédit que les joueurs-clés de cette industrie seront hésitants à investir des sommes importantes tant que durera l’étude environnementale stratégique de deux ans annoncée par le gouvernement québécois et que demeureront des « incertitudes persistantes » sur le type de travaux que les entreprises pourront effectuer dans l’intervalle.
La banque d'affaires Dundee se plaint que le rapport du BAPE sur les gaz de schiste ne soit rédigé qu'en français. Photo Rogerio Barbosa
« En dépit d’éléments préliminaires permettant de croire que cette industrie pourrait fonctionner, et ainsi produire des revenus significatifs et de bons emplois, il appert que les obstacles auxquels devra faire face l’industrie énergétique seront concrètement plus encombrants que nous ne l’anticipions », analyse la firme (notre traduction).
« On pourra nous traiter de naïfs, nous Albertains dont l’existence s’appuie sur l’industrie énergétique et la richesse significative qu’elle produit, mais nous avions l’espoir qu’un futur plus prometteur pour l’industrie se ferait jour au Québec », ajoutent MM. Grant Daunheimer et Aaron Swanson.
En français seulement
Les deux analystes de Calgary sont manifestement irrités de la tournure des événements. « Le rapport du BAPE n’est publié qu’en français, de la première à la dernière de ses 323 pages, et il nous semble évasif sur certaines questions, déplorent-ils. À l’heure actuelle, il y a plus de questions que de réponses. »
« Sans certitudes sur ce que l’industrie devra faire pour être en mesure de forer et compléter ses puits à court terme, nous estimons peu probable que des capitaux soient affectés sur (le shale de l’Utica), poursuivent les hommes de Dundee. À notre avis, l’élan de l’industrie gazière québécoise pourrait être arrêté pour les deux prochaines années. Compte tenu de ces délais énormes, nous ne serions pas surpris de voir (les investissements) se déplacer vers des sites plus prometteurs. »
Le rapport de recherche rappelle qu’au-delà des risques systémiques propres au secteur énergétique canadien, les gazières présentes au Québec sont au surplus confrontées aux aléas d’une industrie qui est encore embryonnaire, aux importantes exigences financières de leurs opérations, à l’absence d’une industrie locale de services connexes, à un cadre réglementaire mouvant et à des délais reliés à des enjeux politiques, environnementaux et communautaires.
Notons que les analystes de Dundee ont produit leur étude avant le dépôt du budget 2011-2012 du gouvernement québécois. Rendu public la semaine dernière, le budget prévoit une refonte majeure du système de redevances pour l’industrie gazière québécoise : en effet, le taux de redevance passera d’un niveau fixe 12 % par puits à un régime « ascenseur » oscillant entre 5 % et 35 %, dépendant du prix du gaz et du volume de production du puits.
Le budget 2011-2012 annonce également une modification au crédit d’impôt pour les ressources naturelles. Dans le cas des activités gazières, les déductions fiscales pour les activités d’exploration et de mise en valeur ne seront accessibles qu’au stade de la production, en venant diminuer les montants de redevances exigibles.
Cela implique que les entreprises gazières devront assumer elles-mêmes 100 % de leurs coûts pendant leurs premières années d’exploration, ce qui mettra beaucoup de pression sur les liquidités des plus petites sociétés « juniors ». Le ministère des Finances en est parfaitement conscient : « c’est un incitatif à produire », peut-on lire dans le budget.