20/04/2011: Gaz de schiste : l’industrie gazière contre-attaque
L’industrie gazière montre les crocs. L’Américain Schuepbach Energy LLC, associé au géant français Gaz de France (GDF) pour l’exploitation du gaz de schiste dans le sud de la France, vient de déposer devant le tribunal administratif de Lyon un recours en annulation contre un arrêté municipal interdisant l’exploitation du gaz de schiste sur la commune de Villeneuve-de-Berg, en Ardèche.
Cet arrêté a été décidé à la hâte par le conseil municipal le 3 février. Invoquant le devoir du maire de préserver la santé de ses administrés et de prévenir les pollutions de toute nature, il interdit "tous travaux de prospections et d’investigations liés à la recherche de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux […] de même que tous travaux liés à la prospection et la production de gaz de schiste".
Un arrêté pour protéger les administrés
L’objectif était de retarder le plus possible le début des forages – initialement prévus au cours du premier trimestre 2011 – pour l’exploration du gaz de schiste, un gaz naturel emprisonné dans la roche, potentiellement présent en masse dans le sous-sol de Villeneuve-de-Berg. "D’après ce que Shuepbach Energy affirme, je n’avais pas le droit d’interdire l’exploration, je ne suis pas compétent pour ça", commente le maire de la commune, Claude Pradal. Puis d'ajouter, de son accent chantant : "On s’attendait à ce recours, et ça ne va pas m’empêcher de dormir".
Une véritable mine d’or dont les 3 000 habitants de cette petite ville du Sud Ardèche se seraient bien passés. Car pour aller chercher ces minuscules poches de gaz coincées entre les feuilles de la roche de schiste, la technique dite de "la fracturation hydraulique" est employée. Une technique réputée extrêmement polluante et dont la mise en œuvre nécessite, entre autres, la mise en place d’une lourde infrastructure et le captage de millions de litres d’eau.
En Ardèche, l’eau est rare. Il suffit de voir le débit de l’Ibie, petit affluent qui serpente au pied de Villeneuve-de-Berg. Dès les prémisses de l’été, la région est en proie à la sécheresse. Les eaux turquoises de l’Ibie s’épuisent, la rivière n’est plus qu’un lit de galets blancs sans eau, ou presque. Au fil des siècles, les Ardéchois se sont adaptés, cultivant la vigne et la lavande – peu gourmandes en eau – et pratiquant la culture bio et l'écotourisme. Une nature magnifique, entre roche et garrigue, écrasée de soleil et de chaleur l’été, difficile à dompter. Terre de résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale, elle est désormais à la pointe de la lutte contre le gaz de schiste.
Le recours "n'est pas un acte hostile" selon Schuepbach
En février dernier, 16 000 personnes s’y sont déplacées pour crier leur attachement à leur terre, leur colère contre le gouvernement et leur refus des prospections gazières. La mobilisation a pris racine dans les autres départements également menacés : le Vaucluse, la Drôme, la Lozère, l’Aveyron, l’Hérault puis la région parisienne. En quelques semaines, cette mobilisation monstre a réussi à faire trembler le gouvernement, qui, à un an de la présidentielle, tente désormais de calmer les foules en annulant les permis d’exploration accordés en catimini l’année dernière.
En tout cas, aux yeux de Claude Pradal, "le recours de Schuepbach devant le tribunal administratif nous rappelle que la bataille n’est pas terminée". "La mobilisation citoyenne n’est pas prête de s’épuiser", assure-t-il ensuite. Pour défendre son arrêté, la municipalité a mandaté Hélène Bras, l’avocate en titre des anti-gaz de schiste. "Nous sommes très confiants", déclare d’emblée l’avocate. En tout, une cinquantaine d’arrêtés similaires à celui de Villeneuve-de-Berg ont été pris, un seul a pour l’instant été attaqué."
Du côté de la compagnie américaine Schuepbach Energy LLC, le ton est à l’apaisement. "Ce recours contre l'arrêté municipal n'est pas du tout un acte hostile à l'encontre du maire de Villeneuve-de-Berg. Il a raison de défendre ses administrés, assure Marc Fornacciari, avocat de la firme texane. Nous l'avons fait uniquement pour sauvegarder nos droits. Nous avons lancé des recours contre 15 ou 20 autres arrêtés similaires."
De l’aveu même de l’avocat, ces recours n’auront plus grand intérêt si la loi visant à interdire l’exploitation du gaz non-conventionnel – comprendre gaz de schiste – est votée au Parlement. Mais comme le soulignait un député dans les colonnes du Monde le 14 avril, il suffit d’une loi pour en annuler une autre. En clair, si dans un an le gouvernement décide de légiférer pour autoriser ces exploitations, il sera libre de le faire