28/04/2011: Gaz de schiste et effet de serre : le lobby du gaz de schiste organise la désinformation
Ce lobby utilise des études maisons pour tenter désespérément de contrer les arguments scientifiques montrant que les gaz de schiste participent davantage au réchauffement climatique que les autres énergies fossiles Le 13 mars dernier, le Professeur Robert W. Howarth, de l’Université américaine Cornell, à New York, avait publié une étude [1] dans la revue scientifique à comité de lecture Climatic Change montrant que l’exploitation des gaz de schiste au niveau mondial ont en fait un impact supérieur sur l’effet de serre à toutes les autres formes d’énergies fossiles, charbon inclus. Cette étude remettait bien entendu en cause l’un des principaux arguments de l’industrie des gaz de schiste qui présente cette énergie comme ‘propre’ et contrecarrait leur projet de développement mondial. La réaction de l’industrie du gaz de schiste ne s’est pas faite attendre nous informe Générations Futures. Elle a pris la forme d’une autre étude [2] publiée le 19 avril sur le site de l’American Cleanskies Foundation qui prétend arriver …à la conclusion inverse : l’utilisation de gaz de schiste pour générer de l’électricité engendrerait selon cette publication environ moitié moins d’émissions de gaz à effet de serre que l’utilisation d’autres énergies fossiles. Cette étude commence à être reprise par les médias d’affaires aux Etats-Unis et commence à jeter le doute sur les conclusions de l’étude du professeur Howarth. Générations Futures dénonce aujourd’hui cette étude. Explications : La fabrique du doute Au-delà de l’effet d’annonce il convient de se poser la question du sérieux et de l’indépendance de cette dernière étude. Quelques remarques s’imposent : Cette étude de Gregory C. Staple et Joel N. Swisher n’a pas été publiée dans une revue scientifique à comité de lecture. Elle n’a donc reçu aucune forme de validation scientifique, contrairement à l’étude de Robert W. Howarth. De plus, elle a été publiée sur le site de l’American Cleanskies Foundation [3]. Cette "Fondation" sans but lucratif fondée en 2007 est supposée promouvoir "l’indépendance énergétique des Etats Unis et un environnement plus propre, moins carboné à travers une utilisation renforcée du gaz naturel, des renouvelables et de l’efficacité énergétique". A lire cet objet social on pourrait penser être en présence d’une organisation travaillant à la recherche de solutions au réchauffement climatique, sans parti pris ni conflits d’intérêts. L’étude de la composition du conseil d’Administration de la Cleanskies Foundation nous détrompe rapidement. Examen express des CV des 6 administrateurs : Aubrey K. McClendon est Président du Conseil d’Administration et Directeur Général de la Chesapeake Energy…le deuxième plus grand producteur de gaz naturel au monde et un acteur majeur de l’industrie des gaz de schiste ! Ralph Eads est Vice Président de la banque d’investissement américaine Jefferies and Co…une banque très impliquée dans les investissements pétroliers et gaziers, avec Encana et Chesapeake entre autres ! Robert A. Hefner III est le fondateur et Directeur Général de GHK Production…une entreprise pionnière dans l’industrie du gaz naturel en Oklahoma. Andrew J. Littlefair est Président du Conseil d’Administration et Directeur Général de Clean Energy …la plus grosse entreprise fabricant des véhicules roulant au gaz naturel en Amérique du nord ! Thomas S. Price Jr est Vice Président du Conseil d’Administration de Chesapeake Energy. Gregory C. Staple , co-auteur de l’étude, est en fait Directeur Général de la Cleanskies Foundation. Nous sommes donc bien en présence d’une étude non validée et réalisée par une fondation qui est un "faux nez" de l’industrie du gaz de schiste. Il s’agit d’un cas classique de désinformation de l’industrie. En clair, et comme il est courant avec les lobbies industriels, il s’agit de "fabriquer du doute", comme l’a si bien fait dans le passé l’industrie du tabac, niant la relation entre tabac et cancer, en publiant des études réalisées uniquement pour servir leurs intérêts. "L’étude "maison" scandaleusement publiée par la Cleanskies Foundation a été réalisée par des membres d’un lobby gazier dans le but de servir les intérêts….du lobby gazier !" déclare François Veillerette, Porte parole de Générations Futures. "Elle n’a aucune crédibilité scientifique mais sert juste à créer du doute dans l’esprit des citoyens et des décideurs, afin de faciliter la réalisation des projets de gaz de schiste aujourd’hui fortement contestés par de plus en plus de citoyens dans le monde, en France, en Afrique du Sud, au Canada, aux USA…aussi parce que l’utilisation du gaz de schiste signifie plus de gaz à effets de serre demain, et non pas le contraire" ajoute-t-il.
[1] Howarth, R. W., R. Santoro, and A. Ingraffea. 2011. Methane and the greenhouse gas footprint of natural gas from shale formations. Climatic Change Letters http://www.springerlink.com/content/e384226wr4160653/
[2] The Climate Impact Of Natural Gas and Coal-Fired Electricity : A Review of Fuel Chain Emissions Based on Updated EPA National Inventory Data. By Gregory C. Staple and Joel N. Swisher http://www.cleanskies.org/ghgemissions/report/staple_swisher.pdf
[3] http://www.cleanskies.org/about.html