21/03/2011: Friture Mag parle de la mobilisation en Quercy.
26 mars 2011, par
Ils avaient prévu le Larzac, la mobilisation lotoise les a surpris. Collectifs, réunions publiques, large opposition des élus, le permis d’exploration dit « de Cahors » suscite une vive opposition, qui perturbe les ambitions de la société 3 Legs Oil & Gas, en attente de l’autorisation préfectorale. Une manifestation a réuni 1000 personnes le 26 mars à Cahors (Lot).
- Rencontre avec José Bové, le député européen EELV, alors que les questions d’énergie, dont le gaz de schiste, n’ont jamais été autant présentes dans les esprits. Lire ICI
« Ils vont arriver ! Les machines arrivent ! », prévient sans ambiguïté Laurent Cougnoux, animant l’une des nombreuses réunions publiques tenues depuis le mois de janvier dans le Lot. Après la projection de Gasland, le film de Josh Fox, l’émotion est tangible dans la salle. Les paysages criblés de puits de forage, les robinets d’eau qui s’enflamment, les ballets de camions ne laissent pas de marbre un public largement déterminé à défendre la qualité de son cadre de vie.
« On a été surpris par la mobilisation locale, des centaines de personnes sont venues dès les premières réunions, des gens qu’on n’a pas l’habitude de voir dans les réseaux militants. Il se passe quelque chose, on touche à l’émotionnel », explique Laurent Cougnoux. Rédacteur en chef du Lot en action, bimensuel d’information fer de lance de cette mobilisation lotoise, il fut l’un des premiers lanceurs d’alerte. Lui-même pris de court par l’urgence de la situation, il n’a de cesse, depuis son numéro du 20 janvier, d’alimenter l’information sur le sujet.
Des forages en 1994
Si le permis d’exploration lotois n’est pas encore signé, sur la zone dite de Cahors de 5710 km2, le Lot se voit largement confronté, sur la quasi totalité de sa superficie, aux permis d’exploration du gaz de schiste. Comme partout ailleurs, habitants et élus sont laissés dans la plus totale ignorance, qui alimente d’autant plus les peurs de voir apparaître les premiers forages.
Déjà, en 1994, une intrigante installation interpellait l’automobiliste de passage sur les Causses : durant plusieurs mois, Elf Aquitaine avait sondé le sous-sol du village de Sabadel pour trouver du gaz, mais en vain. « Les techniciens ont foré jusqu’à 3 400 m, et ils ont arrêté », se souvient l’ancien maire de la commune. Prémices d’explorations futures, ces investigations ont laissé une plate-forme inutilisée.
Aujourd’hui, dans la lignée des premières alertes ailleurs en France, on s’organise dans le Quercy : le Collectif citoyen lotois « Non aux gaz de schistes », le Collectif citoyen de Gourdon, le Cercle de Gindou… Autant d’espaces d’information et de débat qui tentent de mettre à profit le sursis du moratoire promis jusqu’au 15 avril par l’Etat, en multipliant les réunions publiques et les interpellations auprès des élus. Nathalie Kosciusko-Morizet, en visite à Sarlat le 17 février, a dû recevoir une délégation et, le 24 février, le collectif lotois a pu remettre au préfet une demande en faveur de l’arrêt du permis de Cahors et des explorations sur l’ensemble du territoire français. Une mobilisation qui semble avoir surpris autorités publiques et compagnies pétrolières, pour lesquels le Larzac restait l’indicateur privilégié de la résistance citoyenne.
Opposition "physique"
Des communes (Boissières, Gourdon, Alvignac) ont voté des motions s’opposant à l’exploration, les élus départementaux, certains parlementaires, le Parc naturel régional des Causses du Quercy se sont clairement positionnés contre l’exploitation des gaz de schistes.
Mais la vigilance reste de mise, l’apparente volonté des élus locaux n’offrant que peu de poids face à l’omerta nationale qui les a jusqu’ici ignorés.
« Il va falloir s’opposer physiquement aux puits », prédit le collectif, conscient de la détermination des chercheurs d’or noir. Dés lors, des appels à la vigilance sont lancés sur l’arrivée éventuelle de premiers matériels de forage. « Dans les réunions, même des papys viennent nous voir avec la volonté d’en découdre », s’étonne Laurent Cougnoux.
Mais l’opposition aux gaz de schistes ne se limite pas à un simple refus de proximité, c’est un vrai appel à l’indignation énergétique : ni ici, ni ailleurs.
Dans les débats, la maturité des interventions surprend, en faveur de la décroissance énergétique, du rapport à la consommation d’énergie, de la nécessité d’engager un débat national. « Il y a quelque chose de profondément indécent à se battre contre la venue de ces pollueurs si nous ne sommes pas capables, dans le même temps, de nous positionner clairement en changeant nos comportements. Quelque chose qui relève du « Continuez à polluer, mais pas chez moi », explique-t-on au collectif.
A propos, qu’en disent les principaux intéressés ? Alexander Fraser, de 3Legs Management Services, se veut rassurant dans La Dépêche : « Il y a beaucoup de malentendus autour du gaz de schiste. Nous avons désormais un très bon niveau technique pour aller extraire le produit. Les tuyaux qui permettent de percer sont parfaitement étanches, et ils traversent sans les polluer les zones aquifères, pour aller beaucoup plus en profondeur extraire le gaz. Pour le reste, effectivement, il y a des produits chimiques, mais ce sont juste des produits utilisés couramment dans la vie quotidienne…
Nous cherchons le dialogue, c’est absolument indispensable. Quand les gens verront ce que nous faisons, ils constateront qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Nous allons rapidement nous lancer dans un grand travail de communication. »
Il serait étonnant qu’un effort de communication puisse pallier le déni de démocratie qui a prévalu jusqu’alors.