14/03/2011: Gaz de schiste : la Commission européenne et l’Algérie demeurent réceptives

Gaz de schiste : la Commission européenne et l'Algérie demeurent réceptives
L'accumulation des révélations sur leur impact écologique n'y change rien : le Commissaire européen à l'Energie Günther Oettinger n'est pas opposé à l'exploitation des gaz de schiste sur le Vieux Continent

 

Les prélèvements effectués par l’Agence américaine de Protection de l’Environnement (EPA) ont fait état de taux de radioactivité très supérieurs à la normale dans certaines eaux pennsylvaniennes (États-Unis), une activité tellurique anormale a été observée dans l’Arkansas (États-Unis), le documentaire Gasland a fait état de dommages écologiques et sanitaires considérables et pourtant l’Europe continue de faire comme si de rien n’était. Les autorités algériennes, elles, ont pris le parti inverse de leurs homologues québécoises et devraient prochainement autoriser l’exploitation des huiles et gaz de schiste. Affligeant.

 

 

A priori l’un et l’autre à contre-coeur, mais pour des raisons opposées, la ministre de l’Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet et son collègue de l’Énergie Eric Besson ont  dépêché début février une mission d’évaluation qui devra notamment statuer sur la possibilité de recourir à des techniques de fracturation hydraulique moins polluantes que celles ayant aujourd’hui cours aux États-Unis. Un compromis qui ménage les susceptibilités de Total et GDF-Suez, les deux seuls grands gagnants français de l’octroi en mars dernier par Jean-Louis Borloo de permis d’exploration des gaz de schiste mais dont, au vu des dégâts précités outre-Atlantique, l’éco-citoyen lambda ne peut se contenter.

Cette position est néanmoins plus conséquente que celle de Bruxelles. L’eurodéputée d’Europe Écologie-Les Verts Michèle Rivasi, qui a assisté au débat qui a eu lieu mardi dernier entre ses collègues eurodéputés et le Commissaire européen à l’Énergie Günther Oettinger, en a apporté la preuve. Manifestement peu désireux de prendre parti dans ce dossier ultrasensible tant que ce sera possible, ce dernier s’est borné à mentionner la réduction à venir des ressources européennes en gaz, qui ira de pair avec une hausse importante de la demande énergétique, et à réaffirmer « sa confiance dans la capacité des États membres à appliquer les législations européennes et nationales afin de protéger l’environnement et les ressources en eau », a rapporté la parlementaire sur son blog.

 

 

 

« Le gaz de schiste reste une option importante pour le mix énergétique européen »

 

Ainsi les questions de la prospection et de l’exploitation des gaz de schiste ne seraient-elles pas du ressort de l’Europe, et l’étude que la Commission se prépare à diligenter ne concerne « que » « l’aspect légal » de ces décisions et non leur impact environnemental. Malgré l’accumulation de révélations accablantes, force est de reconnaître que Bruxelles s’obstine à ne pas se mouiller, ou plus exactement à faire fi du principe de précaution, et continue de considérer le gaz de schiste comme « une option importante pour le mix énergétique européen ». De fait « la feuille de route « énergie 2050 » qui doit être publiée à l’automne prochain inclura le coût et l’impact économique du gaz de schiste », et « considérant la dépendance et le mix énergétique européen, mais aussi les sources européennes d’approvisionnement, le gaz de schiste pourrait être une ressource complémentaire intéressante ».

Dix-huit députés se sont exprimés la semaine dernière et les partisans de l’exploitation des gaz de schiste (pour la plupart originaires des pays Baltes) ont repris les arguments utilisés en leur temps par les autorités américaines. À savoir une diminution conséquence de la dépendance énergétique, la rentabilité, une baisse des tarifs pour les consommateurs, la sûreté et disponibilité des techniques de prospection et une propreté jugée supérieure à l’exploitation du charbon – ce qui n’a pourtant plus rien d’une évidence aujourd’hui.

La présidente de CAP21 Corinne Lepage, elle, a eu la bonne idée de rappeler les dommages collatéraux constatés de l’autre côté de l’océan et le caractère arbitraire de l’octroi des licences d’exploration. Elle a en outre insisté sur la nécessité de respecter de la Convention d’Aarhus (NDLR : signée en 1998 et qui garantit l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement), la directive sur l’air et la directive-cadre sur les eaux souterraines. L’ex-ministre de l’Environnement a enfin estimé que l’exploitation des gaz de schiste est incompatible avec les objectifs continentaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Difficile de lui donner tort mais il lui faudra encore prendre son mal en patience avant d’espérer un éventuel moratoire européen.

L’exploitation des gaz de schiste est en revanche plus que jamais d’actualité de l’autre côté de la Méditerranée. Le ministre de l’Énergie et des Mines algérien Youcef Yousfi a en effet indiqué en fin de semaine que son pays avait l’intention d’exploiter les ressources disponibles à plus de mille mètres de profondeur, lesquelles ont d’après nos confrères de l’agence Reuters été évaluées à… plus de mille milliards de mètres cube. Des expérimentations seront conduites dès l’année prochaine et les entreprises étrangères spécialisées seront sollicitées. Néophyte en la matière, l’Algérie se prépare donc à franchir un cap décisif. Peut-être serait-il plus approprié de parler de point de non-retour.

Crédits photos : Wikimedia Commons – Jacques Griessmayer / flickr – Cernadova

 


La source ici

 

 



14/03/2011

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 186 autres membres